L’application des règlements Bruxelles 2 bis et Bruxelles 2 ter à l’égard des État tiers
DROIT INTERNATIONAL DE LA FAMILLE
L’application des dispositions du règlement Bruxelles 2 bis et Bruxelles 2 ter à l’égard des État tiers
Les dispositions du règlement Bruxelles II bis et de l'actuel règlement Bruxelles II ter sont applicables pour déterminer la compétence des juridictions devant statuer sur les questions relatives à la responsabilité parentale, même dans leurs relations avec un État tiers.
Ce principe a été évoqué par la Cour de Justice de l’Union Européenne, dans une décision du 17 octobre 2018 (CJUE 17 oct. 2018, aff. C-393/18), ayant porté sur la question de l’application du règlement Bruxelles II bis aux relations entre un État membre, en l’occurrence le Royaume-Uni, et un État tiers, le Bangladesh, le Royaume-Uni ayant soutenu que le règlement n’avait vocation à s’appliquer qu’aux situations au sein de l’Union.
Or, la Cour de justice relève que le règlement Bruxelles II bis ne limite pas son champ d’application territorial et que les règles uniformes de compétence qui y sont contenues n’ont pas vocation à s’appliquer uniquement à des situations impliquant plusieurs États membres.
Son arrêt précise ainsi :
« 31 À cet égard, s’agissant, en premier lieu, du libellé des dispositions pertinentes du règlement no 2201/2003, il y a lieu de faire observer que l’article 1er de ce règlement, qui définit son champ d’application, précise les matières civiles auxquelles ledit règlement s’applique et celles auxquelles il ne s’applique pas, sans faire référence à une quelconque limitation du champ d’application territorial dudit règlement.
32 En ce qui concerne l’article 8, paragraphe 1, du règlement no 2201/2003 lui-même, cette disposition prévoit que les juridictions d’un État membre sont compétentes en matière de responsabilité parentale à l’égard d’un enfant qui réside habituellement dans cet État membre au moment où la juridiction est saisie. Ainsi, rien dans les termes de cette disposition n’indique que l’application de la règle générale de compétence en matière de responsabilité parentale qu’elle énonce est soumise à la condition de l’existence d’un rapport juridique impliquant plusieurs États membres.
33 Il s’ensuit, ainsi que le fait observer M. l’avocat général aux points 23 et 25 de ses conclusions, que, contrairement à certaines dispositions du règlement no 2201/2003 relatives à la compétence, telles que ses articles 9, 10 et 15, dont les termes impliquent nécessairement que leur application dépend d’un conflit potentiel de compétence entre des juridictions relevant de plusieurs États membres, il ne découle pas du libellé de l’article 8, paragraphe 1, dudit règlement que cette disposition se limite à des litiges relatifs à de tels conflits.
34 À cet égard, l’article 8, paragraphe 1, du règlement no 2201/2003 se distingue également des règles en matière de reconnaissance et d’exécution prévues par ce règlement.
35 En particulier, la Cour a déjà jugé qu’elle était manifestement incompétente pour répondre à des questions préjudicielles concernant la reconnaissance d’une décision de divorce rendue dans un État tiers et a fait observer, notamment, que, conformément à l’article 2, point 4, et à l’article 21, paragraphe 1, du règlement no 2201/2003, ce règlement se limite à la reconnaissance de décisions rendues par une juridiction d’un État membre (ordonnance du 12 mai 2016, Sahyouni, C‑281/15, EU:C:2016:343, points 21, 22 et 33).
36 Or, contrairement aux règles régissant la reconnaissance et l’exécution des décisions judiciaires prévues par le règlement no 2201/2003, ce règlement ne prévoit pas, ainsi qu’il découle en particulier des points 32 et 33 du présent arrêt, de disposition qui limiterait expressément le champ d’application territorial de l’ensemble des règles relatives à la compétence prévues par ledit règlement.
37 En second lieu, en ce qui concerne l’objectif du règlement no 2201/2003, il ressort de son considérant 1 que ce règlement vise à contribuer à l’objectif que l’Union s’est donnée de créer un espace de liberté, de sécurité et de justice au sein duquel est assurée la libre circulation des personnes. À cette fin, l’Union adopte, notamment, les mesures dans le domaine de la coopération judiciaire en matière civile nécessaires au bon fonctionnement du marché intérieur.
38 En effet, en vertu de l’article 61, sous c), CE, qui constitue l’un des fondements juridiques du règlement no 2201/2003, et de l’article 65 CE, lesquels sont respectivement devenus l’article 67, paragraphe 3, et l’article 81 TFUE, l’Union arrête des mesures dans le domaine de la coopération judiciaire en matière civile ayant des implications transfrontalières et dans la mesure nécessaire au bon fonctionnement du marché intérieur.
39 Or, contrairement à ce que soutient, en substance, le gouvernement du Royaume-Uni, de telles considérations n’ont pas pour conséquence que la règle de compétence prévue à l’article 8, paragraphe 1, du règlement no 2201/2003 doive être considérée comme s’appliquant uniquement aux litiges impliquant des rapports entre des juridictions d’États membres.
40 En particulier, les règles uniformes de compétence contenues dans le règlement no 2201/2003 n’ont pas vocation à s’appliquer uniquement à des situations comportant un lien effectif et suffisant avec le fonctionnement du marché intérieur, impliquant, par définition, plusieurs États membres. En effet, l’unification en elle-même des règles de compétence, opérée par ce règlement, a assurément pour objectif d’éliminer les obstacles au fonctionnement du marché intérieur pouvant découler des disparités des législations nationales en la matière [voir, par analogie, à propos de la convention du 27 septembre 1968 concernant la compétence judiciaire et l’exécution des décisions en matière civile et commerciale (JO 1972, L 299, p. 32), telle que modifiée par les conventions successives relatives à l’adhésion des nouveaux États membres à cette convention, arrêt du 1er mars 2005, Owusu, C‑281/02, EU:C:2005:120, point 34].
41 Eu égard à ce qui précède, il y a lieu de constater que la règle de compétence générale prévue à l’article 8, paragraphe 1, du règlement no 2201/2003 est susceptible de s’appliquer à des litiges impliquant des rapports entre les juridictions d’un seul État membre et celles d’un pays tiers et non pas uniquement des rapports entre des juridictions relevant de plusieurs États membres.
L’arrêt a donc considéré que l’article 8 du Règlement, qui donne compétence aux juridictions de l’État sur le territoire duquel se trouve l’enfant, ne soumet pas son application à la condition de l’existence d’un rapport juridique impliquant exclusivement des États membres (arrêt, pts 31 et 32) mais qu’il doit recevoir application aux litiges impliquant un seul État membre et un État tiers.
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