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LA TRANSMISSION D'UN BAIL PAR VOIE SUCCESSORALE

Le 08 juin 2015

I - Le principe de la libre transmissibilité posé à l'article 1742 du Code civil

 

L'article 1742 du Code civil précise que le contrat de louage n'est point résolu par la mort du bailleur, ni par celle du preneur.

 

Il résulte de ce texte qu'en cas de décès du preneur, le contrat n'est pas résilié. Il continue de produire ses effets entre les mains des héritiers de la personne décédée. Il leur est transmis par voie successorale. (Cassation Civile 1ère 4 avril 1991 : Bull civ. 1991 I n° 111)

 

II - les baux concernés par le régime de la transmission par voie successorale

 

Les dispositions de l'article 1742 du Code Civil ont vocation à s'appliquer à tous les baux qui ne relèvent pas d'un régime juridique spécifique.

 

Les baux commerciaux

 

Dans un arrêt du 4 octobre 2000, la Cour de Cassation a jugé que violait les dispositions de l'article 1742 du Code Civil la cour d'appel qui constatait la résiliation d'un bail commercial au motif que le preneur était décédé. (Cassation Civile 3ème chambre 4 octobre 2000 : Jurisdata n° 2000-006152)

 

Il sera noté que si le bail est dévolu aux héritiers dans la succession de leur auteur, celui-ci ne leur sera transmis qu'autant que le fonds de commerce est attaché au bail. La plupart des baux commerciaux imposent au preneur de tenir le local en état d'exploitation permanente. En présence d'une telle clause, les héritiers sont tenus de continuer d'exploiter le fonds. (Cassation Civile 3ème, 14 mai 2004 n° 02-20.243. A défaut, le bail est résilié.

 

Les baux soumis aux dispositions de la loi du 1er septembre 1948

 

S'agissant des beaux soumis aux dispositions de la loi du 1er septembre 1948, avant l'entrée en vigueur de la loi du 13 juillet 2006, l'article 1742 du Code civil avait vocation à s'appliquer lorsque le titulaire du bail n'avait pas reçu le congé visé à l'article 4 de cette loi. A son décès, la jurisprudence considérait en effet que le bail s'était poursuivi entre les mains de ses héritiers en application de l'article 1742 du Code Civil.

 

Depuis l'entrée en vigueur de la loi n° 2006. 872 du 13 juillet 2006, il n'est plus possible pour les héritiers d'évoquer les dispositions de l'article 1742 du Code Civil, l'article 5.1 de la loi du 1er septembre 1948 prévoyant la résiliation de plein droit du bail, par le décès du locataire, "nonobstant les dispositions de l'article 1742 du Code Civil".

 

Il demeure toutefois que cette loi étant dépourvue d'effet rétroactif, l'article 1742 du Code Civil a toujours vocation à s'appliquer en cas de décès du locataire survenu avant l'entrée en vigueur de la loi du 13 juillet 2006. (Cour d'appel de Paris 3ème chambre 27 octobre 2011 : Jurisdata 2011. 02 33 13. Cour de Cassation 16 juin 2011 (pourvoi n° 10-16121).

 

Exclusion de l'article 1742 du Code Civil pour les baux soumis à la loi du 6 juillet 1989

 

L'article 1742 du Code Civil n'est pas applicables aux baux ressortant de la loi du 6 juillet 1989 dans la mesure où ces baux sont dérogatoires du droit commun. Il n'est donc pas possible d'évoquer, en ce qui les concerne, l'application des dispositions de droit commun, dont l'article 1742 du Code Civil.

 

Il n'est donc pas possible de soutenir, en ce qui les concerne, une transmission du bail par voie successorale.

 

En revanche, l'article 14 de cette loi prévoit une transmission du bail aux conditions suivantes. Ce texte mentionne qu'en cas de décès du locataire, le bail est transféré de plein droit aux bénéficiaires suivants :

 

- au conjoint sans préjudice de l'article 1751 du Code Civil,

- aux descendants qui vivaient avec lui depuis au moins un an à la date du décès,

- au partenaire lié au locataire par un pacte civil de solidarité,

- aux ascendants, au concubin notoire ou aux personnes à charge, qui vivaient avec lui depuis au moins un an à la date du décès.

 

Cet article précise qu'en cas de demandes multiples, le juge se prononce en fonction des intérêts en présence et qu'à défaut de personnes remplissant les conditions prévues, le contrat de location est résilié de plein droit.

 

III - Le régime de la transmission du bail par voie successorale

 

a) Une transmission automatique du bail

 

Dans le cadre de l'article 1742 du Code Civil, le bail faisant partie de la succession du locataire décédé est dévolu automatiquement à ses héritiers, et ce même s'il comporte une interdiction de céder ou de sous-louer.

 

Dans un arrêt du 29 septembre 2010, la Cour de Cassation a jugé que les héritiers n'étaient même pas tenus d'en revendiquer le bénéfice.

 

Cassation Civile 29 septembre 2010 : Jurisdata n° 2010 - 017236

 

"Attendu que pour dénier à Mme Pouzet les droits locatifs qu'elle tenait de sa mère, l'arrêt retient que les héritiers du titulaire du bail ne peuvent obtenir le bénéfice de ce bail que s'ils l'ont revendiqué et qu'aucune des pièces produites ne révèlent que Madame Pouzet ait entendu poursuivre l'exécution du bail, ce qui supposait nécessairement qu'elle paye le montant du loyer convenu.

 

Qu'en statuant ainsi, alors qu'elle avait constaté que Madame Pouzet était l'héritière de sa mère, titulaire du bail, la cour d'appel, qui a ajouté à la loi une condition qu'elle ne comporte pas, a violé les textes susvisés."

 

La transmission du bail par voie successorale n'est même pas soumise à une obligation de cohabitation entre les héritiers et le locataire décédé. (Cassation Civile 3ème 20 janvier 1988., Cour d'appel de Paris 6ème chambre B 24 mars 2005).

 

Dans ce contexte, dans le cadre d'une transmission du bail par voie successorale, il n'y a pas eu lieu de rechercher si les héritiers ont occupé les locaux.

 

Le cas de la renonciation

 

Pour que la transmission soit reconnue, il suffit que les héritiers n'aient pas renoncé à la succession laquelle pour être opposable aux tiers doit être faite, ainsi que le prévoit l'article 804 du code civil, "au greffe du tribunal dans le ressort duquel la succession s'est ouverte ».

 

Dominique Ponté

Avocat

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